ETRE PARENT D'UN ENFANT EXTRAORDINAIRE
Vous êtes parent, vous voyez votre enfant grandir. Puis un jour, vous avez le sentiment que votre enfant n’a pas toujours le même mode de fonctionnement que les autres enfants qui l’entourent. Vous constatez qu’il a plus de mal à appréhender certaines choses que ses frères et sœurs et vous commencez à vous interroger.
Puis c’est l’école qui vous contacte et vous signale que votre enfant prend du retard dans ses apprentissages. Il n’est plus en mesure de suivre le rythme des autres enfants de sa classe.
Votre médecin n’a rien décelé d’anormal alors vous vous dites que vous vous trompez, que l’école se trompe, que tout va rentrer dans l’ordre. Les semaines se passent, les mois parfois aussi mais vos doutes sont toujours présents.
Vous savez que votre enfant fonctionne différemment, l’école vous confirme qu’il est maintenant nécessaire de faire quelque chose mais vous ne savez pas vers quel spécialiste vous tourner.
Un ami de votre ainé avait lui aussi des difficultés à l’école. Il était suivi par une psychomotricienne mais votre collègue vous conseille plutôt d’aller voir un orthophoniste.
En recherchant sur internet vous découvrez l’existence d’un tas d’autres spécialistes, votre enfant a aussi du mal à gérer ses émotions et le soir il a du mal à se concentrer. Vous êtes perdu(e), vous ne savez plus qui aller voir. Alors vous prenez rendez-vous chez un premier spécialiste en le choisissant un peu au hasard. Ce ne sera pas pour tout de suite, dans plusieurs mois seulement car ils sont débordés de demandes.
Arrive le jour du rendez-vous, vous pensez que vous allez enfin savoir pourquoi votre enfant rencontre des difficultés. Le spécialiste vous confirme qu’effectivement votre enfant a besoin d’être aidé mais il vous oriente vers un autre spécialiste plus à même d’évaluer la nature du problème. Vous voilà reparti(e) pour des semaines ou des mois d’attente et pour de nouvelles dépenses. Tout cela devient vraiment coûteux.
Arrive le jour de ce nouveau rendez-vous. Vous vous dites que c’est enfin le bon jour mais le spécialiste vous explique que votre enfant est encore trop jeune pour affirmer avec certitude l’existence d’un trouble. Il va tenter de l’aider sur plusieurs mois et, si les progrès ne sont pas au rendez-vous, cela confirmera alors l’existence du trouble.
Plusieurs mois se sont passés, votre enfant a évité le redoublement de peu malgré une maitresse qui a mis en place avec beaucoup de bienveillance certains aménagements pour l’aider dans ses apprentissages. Juste avant les grandes vacances, le spécialiste vous a enfin annoncé que votre enfant a bien un trouble neurodéveloppemental et que c’est ce qui le handicape grandement dans ses apprentissages.
Une nouvelle année démarre. Il va falloir expliquer à la nouvelle maitresse que votre enfant a des difficultés et que des aménagements sont nécessaires.
Elle vous demande si votre enfant a un PAP. Vous vous interrogez sur la nature de ce nouveau trouble dont vous n’avez jamais entendu parler. Elle vous rassure, ce n’est pas un trouble mais un plan d’accompagnement qui peut être proposé aux enfants en difficulté. Si cela peut aider votre enfant, vous vous dites que pourquoi pas mais vous découvrez que ce n’est pas si simple, il faut d’autres bilans, des comptes-rendus, des courriers, un dossier est à compléter et à faire valider par le médecin scolaire…
L’année scolaire n’a pas encore véritablement commencé et tout vous semble déjà très compliqué.
Cette année, vous vous êtes mis(e) à temps partiel, vous ne travaillez plus le mercredi car entre les bilans, les séances de rééducation et le soutien scolaire, vous n’y arriviez plus. Vous hésitiez en raison de l’impact financier mais vous réalisez vite que vous avez bien fait car les devoirs sont devenus une véritable corvée.
Votre enfant rentre de l’école épuisé, il ne veut pas s’y mettre. Les soirées sont de plus en plus compliquées et conflictuelles. Lorsque vous essayez de discuter avec lui pour comprendre pourquoi il se comporte ainsi le soir alors qu’il est si sage à l’école, il vous dit qu'il ne sait pas, qu’il est nul, qu’il ne comprend rien à rien, que même ses copains disent de lui qu’il est bête.
Petit, il avait beaucoup d’amis. Tous les week-ends, son copain qui habite dans la même rue venait jouer à la maison mais il ne vient plus. Votre enfant vous dit qu’il s’en fiche, qu’il préfère jouer au ballon avec son chien dans le jardin. Vous voyez bien que ce n'est pas vrai, qu’il est triste. Vous ne savez plus comment faire pour l’aider.
Grâce à votre temps partiel, vous avez pu reprendre tranquillement les leçons compliquées avec lui le mercredi, il est plus réceptif qu’en fin de journée après l’école. Il a fait des progrès, et vous être fier(e) de votre enfant mais sa maîtresse vous dit que dans un an c’est l’entrée au collège et que le retard est encore trop important.
Une nouvelle année vient de démarrer, la dernière du primaire. Une nouvelle maitresse, de nouvelles explications mais cette fois tout est prêt pour le PAP. Cette maîtresse vous semble moins au fait des particularités de votre enfant. Elle est jeune, cela ne doit pas faire plus de deux ou trois ans qu’elle enseigne. Peut-être est-ce la raison ?
Les notes de votre enfant chutent. Il n’a rien compris à la consigne de son évaluation. Il faut dire qu’il vous a fallu la relire trois fois vous aussi pour parvenir à la comprendre. Il n’a pas non plus eu le temps de finir sa dictée et il avait un devoir à faire hier soir mais il était trop fatigué, il l’a bâclé. Vous n’avez pas eu le courage d’insister. Vous avez appris ces dernières années que rien ne sert d’insister.
La fin du trimestre arrive, le verdict tombe : votre enfant ne sera pas en mesure de suivre le rythme du collège sans un accompagnement plus soutenu. On vous parle d’un dossier MDPH, d’une AESH, le dispositif ULIS ne semble pas adapté et la directrice de l’école ne semble pas favorable à une SEGPA…
Mais de quoi vous parle-t-on ? Que veulent dire tous ces sigles ? Que va devenir votre enfant pourtant si extraordinaire ?
Même si l’histoire de ce parent est fictive, même si cet enfant n’a jamais existé, tous les parents d’enfants extraordinaires vous diront qu’elle est semblable en de nombreux points à leur situation, à leur vécu, à leur combat.
Cette histoire ne se finit pas car elle ne finit jamais. Être parent d’un enfant extraordinaire est un travail du quotidien. Chaque nouvelle année scolaire est un recommencement avec son lot de doutes, d’espoirs, de dossiers complexes à remplir, d’explications à donner sur votre enfant, sur son mode de fonctionnement, sur son parcours, sur votre famille.
Cette histoire ne relate pas non plus les difficultés que s’occuper d’un enfant extraordinaire pose au sein de la fratrie, du couple, de la famille.
Elle parle peu des doutes, des inquiétudes, de la lassitude parfois, du découragement par moments, du sentiment d’impuissance que ressentent souvent ces parents.
Elle occulte également l'impact qu'un travail à temps partiel peut avoir sur l'équilibre d'une famille, sur les loisirs, les sorties mais aussi les difficultés à assumer financièrement les bilans et prises en charge indispensable à leur enfant.
Elle ne parle que très peu du manque d’estime de soi de nombreux enfants extraordinaires, du harcèlement que certains peuvent vivre, de la force qu’il leur faut pour s’adapter au monde ordinaire qui n’est pas toujours adapté aux enfants extraordinaires qu’ils sont.
Enfin, elle n’évoque pas non plus la complexité du quotidien de certains enseignants, souvent peu ou pas formés à la prise en charge des particularités et qui ont parfois cinq, six, sept enfants à particularités par classe, tous avec des profils différents, tous avec des modes de fonctionnement différents.
L’histoire de cet enfant et de son parent est somme toute assez simple, des situations bien plus complexes et dramatiques existent.
Des situations où, faute d’accompagnement adapté, faute de ressources ou faute de diagnostic posé, certains enfants n’ont plus la possibilité d’être pris en charge dans une école ordinaire mais n’ont pas non plus de place dans une structure spécialisée qui serait à même de les aider.
C’est pour aider ces familles et ces enfants que nous avons décidé de créer l’association Enfants Extraordinaires 28.